Eté 2017
- Papa, je quitte la France, je pars vivre à Berlin.
- Super ma fille, comme ça j'irai te voir à vélo
Ce qui n'était au départ qu'une boutade germe peu à peu dans mon esprit. Après tout, je peux profiter de tout le temps libre que me laisse ma retraite, je fais beaucoup de vélo toute l'année, j'ai déjà fait les chemins de Compostelle à VTT... Alors pourquoi ne pas tenter l'aventure !
Pour Berlin : deux possibilités
- Tracer une ligne droite de Bordeaux à Berlin et la suivre au plus près par les petites routes
- Composer un itinéraire qui permet de traverser les plus beaux sites, par les petites routes et les pistes cyclables.
Va pour la deuxième option en suivant le plus possible fleuves, rivières et vallées. Ce sera donc la Loire, La Saône, le Doubs, le Rhin, le Main. Pour la partie française, ce sera surtout l'eurovélo 6 jusqu'aux portes de l'Alsace. Pour la partie allemande, je vais composer avec les nombreux itinéraires cyclables qu'offre le pays, et relier entre elles des jolies villes que j'ai envie de voir. Open Cycle Map, mon outil de prédilection, me permet de visualiser tout ça avant de partir.
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En suivant fleuves et rivières
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J'adapte mon vieux VTT qui a déjà beaucoup roulé : porte bagages de selle, sacoches, charge minimale. Pour l'hébergement, ce sera le réseau Warmshowers, Airbnb, ou Booking. Pas de tente, ça allège beaucoup. Pour le départ : Orléans.
Je devrais atteindre Berlin en trois semaines
Vendredi 8 septembre 2017
Orléans - Chatillon sur Loire
L'Auberge de Jeunesse d'Orléans est loin du centre ville, elle jouxte le stade de foot près de la cité universitaire. La météo prévoit un vent violent de nord-ouest (tempête sur la France) et moi je roule sud-est ! Ca promet.
Tempête dans le dos, du jamais vu !
J'arrive ainsi à Chatillon en suivant la piste des bords de Loire, 140 km plus loin, propulsé vent arrière toutes. Du jamais vu, tout cycliste sait bien que le vent, c'est toujours de face ou de côté, mais jamais de dos. De temps en temps, le chemin fait des courtes volte-faces, et là je mesure la force des éléments contraires. Ca se mesure aussi à la tête que fond les cyclistes qui arrivent dans l'autre sens.
Et en plus, tout plat et presque pas de pluie.
Je me demande parfois ce que je fais là, mais bon, c'est parti. Je sais aussi avec l'expérience des chemins de Compostelle que ce questionnement va durer trois jours. Donc je me pose la question, mais je n'y réponds pas.
Je rattrape l'eurovélo 6, et c'est parti pour des centaines de kilomètres le long de la Loire.
Hébergement Airbnb, forcément dans la partie haute de la ville.
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Changement de vallée, changement de province et... premières côtes. |
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Chalon sur Saône |
Mardi 12 septembre 2017
Chalon sur Saône - Dôle
Une belle journée, avec de belles éclaircies, d'abord en remontant la Saône, puis le Doubs. Pistes et petites routes dédiées au vélo. C'est agréable et tranquille.
Nouvel hébergement WS, cette fois chez un couple de profs de sport, adeptes du cyclisme au long cours. A leur actif, un grand tour de la Méditerranée. Le couple héberge une jeune étudiante originaire de Mongolie. Elle parle un français impeccable et me raconte l'objet de ses études ici : produire de l'hydrogène à partir des énérgies renouvelables. Intéressant.
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Verdun sur le Doubs, changement de vallée |
Mercredi 13 septembre 2017
Dôle - Baume les Dames
Etape sans histoire en suivant l'Eurovélo 6, balisée et purement dédiée aux vélos. Le vent a tourné au sud, mais ça sent la pluie. Etape toujours plate, ça laisse du temps pour méditer, sauf pour monter sur le plateau de Besançon. Hébergement Airbnb chez un jeune couple de Baume, maison neuve et grand luxe pour la chambre. Oeuf de poule maison au petit déjeuner.
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Au fil du Doubs |
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Baume les Dames |
Jeudi 14 septembre 2017
Baume les Dames - Cernay
Alors là, il pleut vraiment, mais alors vraiment. Ce sera donc Baume - Belfort en train ce matin, pour l'après-midi, on verra bien. L'itinéraire que j'aurais dû emprunter longe parfois la voie ferrée. J'y aperçois d'autres cyclo-rando abattus sous les trombes d'eau. Très peu pour moi.
Pause interrogation à Belfort. Continuer à vélo ou pas. La pluie qui dégringole à nouveau répond pour moi. Ce sera Belfort - Mulhouse en train.
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Belfort |
Groland à Belfort
Conversation à la table à côté de moi, au buffet de la gare. Lui, genre clochard, grassouillet, sale, mal rasé. Elle, look de pocharde, visage boursouflé par l'alcool et le tabac, coiffée au pétard du matin. La conversation est au niveau des protagonistes : plutôt vulgaire et le vocabulaire au raz des pâquerettes. Je n'en perçois que des bribes, mais ils bavardent tout en jetant un regard furtif de temps à autres vers une femme assise seule à une table au fond de la salle.
Au bout d'un moment, la femme visée, bien mise, d'origine maghrébine, se lève brusquement et vient vers eux.
- Je suis peut-être sourde, mais je comprends très bien que vous êtes en train de dire du mal de moi, dit-elle dans un langage impeccable et bien articulé malgré son handicap.
Et de leur passer un savon, toujours en employant des mots biens choisis et des phrases parfaitement bien tournées. Les deux autres ne mouftent pas et baissent les yeux pendant tout le sermon.
Finalement la femme revient s'asseoir et les choses se calment. C'est à ce moment là que j'entends clairement le mec dire à la femme en face de lui :
- Eh bien, elle est belle la France d'aujourd'hui !
Un épisode digne de Groland.
Arrivée à Mulhouse sous la flotte, ça n'en finit pas. Je suis attendu
à Cernay, chez la soeur d'une amie. Donc à nouveau le train, mais mon
accueil est à quelques kilomètres de la gare, suffisamment pour arriver
trempé.
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Vendredi 15 septembre 2017
Cernay - Strasbourg
La pluie a cessé, retour aux étapes cent pour cent vélo. Petite pause à Colmar, la ville le mérite bien.
Le couple qui m'héberge dans la banlieue de Strasbourg, n'est pas cycliste pour deux sous. Cela
ressemble plutôt à de la charité catholique. Je ne suis pas très à
l'aise. Plus austère, difficile de trouver. Mais bon, les aléas et les
surprises de la route. Au moins ça laisse des souvenirs.
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La vallée du Rhin, à l'écart des grands axes |
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Colmar |
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Beaucoup de piste cyclable, on approche de l'Allemagne |
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Un de mes hébergements les plus étranges |
Samedi 16 septembre 2017
Strasbourg - Karlsruhe
Par l'itinéraire français, rive gauche du Rhin. Forcément top vélo, même si le paysage est plutôt banal. Voyage au coeur géographique et politique de l'Europe. Hébergement dans une Auberge de Jeunesse qu'on ne peut atteindre que par un ascenseur exigu. Etonnant, mais rien n'est prévu ici pour les cyclistes. Du coup, on m'installe dans une chambre seul avec une place pour y mettre mon vélo. Gagné !
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La Petite France |
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Le parlement européen |
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Passage du Rhin, bienvenue en Allemagne |
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Campagne électorale, combat de femmes |
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La digue du Rhin |
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L'Allemagne a renoncé au nucléaire |
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Karlsruhe |
Dimanche 17 septembre 2017
Karlsruhe - Heilbronn
Je connais très peu l'Allemagne, je dirais même pas du tout. La parcourir à vélo est l'occasion de faire plus ample connaissance. Nul doute que c'est le meilleur plan. Les itinéraires cyclables pour aller d'une ville à l'autre ne sont pas directs, mais il existe une multitude de petites routes ou pistes cyclables pour circuler en toute tranquillité. Hébergement Airbnb à Heilbronn. Digicode et chambre impeccable, mais zéro contact et dîner en ville plutôt solitaire.
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Libre service |
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Bretten, mon premier joli village |
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Des panneaux partout, autant que pour les voitures |
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Maulbronn et son abbaye |
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Pays de vignobles, et quelques bosses |
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Arrivée à Heilbronn |
Lundi 18 septembre 2017
Heilbronn - Schwabisch Hall
Itinéraire tout tracé sur Open Cycle Map, juste à le suivre, facile. Hébergement Airbnb chez le pasteur du village et madame. La maison est forcément tout en haut d'une côte à quelques kilomètres du village. Chambre impeccable, petit déjeuner copieux en compagnie de mes hébergeurs. Etre pasteur ici, ce n'est pas un mauvais job.
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Le collège |
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Agréable campagne, mais ça ne va pas durer |
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Waldenbourg, première grosse grimpette |
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Schwabisch Hall |
Mardi 19 septembre 2017
Schwabisch Hall - Rothenbourg
J'avance en toute tranquillité dans une campagne allemande un peu banale. Mais villes et villages sont la récompense du cycliste. Il m'arrive parfois de prendre une route plus fréquentée pour raccourcir mon itinéraire. C'est là que je mesure que le conducteur allemand est parfois un peu fou de vitesse. Même si les dépassements se font toujours au plus large du cycliste, c'est flippant quand même.
L'auberge de jeunesse est située dans une magnifique maison monument historique, avec parc tout autour. Le top du top, et en plus, elle est presque vide. Calme absolu, idéal pour se relaxer après une journée de vélo.
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Paysage de campagne |
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Quelques passages sur pistes |
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Rothenbourg, un bijou forcément très touristique |
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L'Auberge de Jeunesse
Un peu seul dans le réfectoire |
Mercredi 20 septembre 2017
Rothenbourg - Wursburg
D'une jolie ville à... une autre jolie ville. Hébergement WS par un jeune couple franco-allemand. Comme j'arrive de bonne heure à Wursburg, j'ai droit à une visite commentée de la ville.
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Petit déjeuner. Au début, on apprécie, mais on retrouve toujours la même chose dans les auberges |
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Verte campagne, mais pas de pluie pour le cycliste |
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Les bords du Main |
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Tout le charme des petites villes |
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Chaque pause urbaine est un régal |
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Wursburg |
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Mon guide WS |
Jeudi 21 septembre 2017
Wursburg - Bamberg
Départ dans un brouillard à couper au couteau. Itinéraire agréable, le long du Main. Bamberg la baroque a échappé aux bombardements durant la seconde guerre mondiale. Du coup, elle a gardé son caractère authentique. Ma ville coup de coeur.
Le centre d'accueil où je suis hébergé fonctionne au ralenti en semaine. L'accueil se fait au digicode et il n'y a presque personne dans l'établissement. Pour le petit déjeuner, c'est de l'autre côté du jardin, dans la maison de retraite. Je fais la queue au libre service, entre un déambulateur et une chaise roulante. Ambiance rock'n roll.
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Chemin de croix pour démarrer, et en montée forcément |
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Traversée du Main avant Bamberg |
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Retour du soleil pour la pause repas |
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Bamberg la baroque |
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Ma ville coup de coeur |
Vendredi 22 septembre 2017
Bamberg - Eisenach
Après pas mal d'hésitations, je renonce à traverser la partie sud de la Thuringe. Pas d'hébergement en vue, le pays est assez désert, itinéraire très vallonné, forestier, sauvage certes, mais aussi sans charme. En plus, le temps n'est pas vraiment de la partie. Ce sera donc une journée repos en train. Ce n'est pas direct, il faut prendre trois trains différents.
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Entrée en ex-RDA |
C'est la première fois que je passe le rideau de fer, bien que le mur soit tombé depuis bientôt trente ans. Les séquelles de cette période sont bien visibles dès la frontière passée, elles agrémenteront mon parcours jusqu'à Berlin.
Hébergement Airbnb, dans une ancienne colonie de vacances de la RDA, à une vingtaine de kilomètres d'Eisenach. Le propriétaire, un hollandais, a restauré cette grande bâtisse en pleine forêt de Thuringe. Mais il a cherché à en conserver un peu l'esprit, ce qui est plutôt réussi, puisque l'eau chaude ne fonctionne pas.
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Eisenach |
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Séquelles de RDA |
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Whuta Farnroda, ma première expérience au delà du rideau de fer |
Samedi 23 septembre 2017
Eisenach - Weimar
Etape sans histoire. Le paysage de champs et bois est plutôt banal et tristounet. Traversée d'Erfurt, encore une jolie ville bien faite pour les vélos. La ville historique de Weimar est certes intéressante, mais on en fait vite le tour. Hébergement à l'auberge de jeunesse de Weimar, un peu excentrée mais grand luxe, comme toujours.
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Ferme collective transformée en hara |
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Changement d'athmosphère, ex RDA |
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Erfurt |
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Weimar |




Dimanche 24 septembre 2017
Weimar - Naumburg
L'Allemagne rurale. Le remembrement façon RDA a fait des ravages. Pas de forêt, ni même de bosquets. Des champs de betterave ou je ne sais quoi à perte de vue, pas la moindre haie pour abriter le cycliste. Avec le vent de face, c'est un peu démoralisant. Heureusement, la vallée de la Saale rompt cette monotonie.
Naumburg est un bijou. Hébergement à l'auberge de jeunesse, la femme à l'accueil ne parle pas anglais. Pas facile de réserver au téléphone ! Ici, les plus de quarante ans ne parlent pas l'anglais. Ils ont appris le russe. Mieux vaut s'adresser à un jeune pour demander son chemin.
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Paysage typique |
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Apolda |
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Les 500 ans de la réforme |
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Ferme collective musée |
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Vallée de la Saale |
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Naumburg |
Lundi 25 septembre 2017
Naumburg - Halle
Je me rapproche de Berlin. Temps gris et menaçant ce matin. Je pars quand même, en suivant la vallée de la Saale. L'itinéraire, tout tracé, est vraiment très agréable. Arrivé à Weissenfels, il se met à pleuvoir très très dru et ça commence à cailler. Tant pis, je vais devoir reprendre le train. Mince, pour une fois que le paysage était sympa.
Je saute dans le premier train venu, mais comble de misère, à peine a-t-il fait quelques kilomètres qu'un beau ciel bleu nous tombe dessus. Heureusement, le train s'arrête au bout d'une dizaine de kilomètres. Vite dehors, ne surtout pas perdre cette étape.
Halle n'a pas le charme des autres grandes villes que j'ai traversées. Hébergement à l'Auberge de Jeunesse, squattée par une bruyante troupe de lycéens. Mais on est en Allemagne, silence total après le couvre feu.
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Vallée de la Saale |
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Weissenfels |
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Sauvé par le train |
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Halle |
Mardi 26 septembre 2017
Halle - Wittenberg
Aujourd'hui
je quitte la vallée de la Salle pour affronter deux journées sur
terrain sans âme et sans relief. Même les villes traversées sont assez
banales. Mais bon, Berlin n'est plus très loin. Je devrais pouvoir
bouffer du kilomètre.
La traversée des villes et
villages est le moment le plus sympathique, mais il y a un hic
cependant. C'est que beaucoup de rues sont pavées. C'est joli, mais pas
bon pour le cycliste au long cours. J'ai l'arrière train en compote.
Je traverse la grande ville de Dessau presque sans un regard. Wittenberg.
La place centrale vaut le coup d'oeil, mais ça s'arrête là.
Logé à l'auberge de jeunesse. Nickel, comme toujours, mais plutôt vide
malgré ses dimensions.
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Traversée de la rivière, fin de la vallée de la Saale |
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L'ennemi du cycliste |
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Traversée de l'Elbe après Dessau |
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Wittenberg |
Mercredi 27 septembre 2017
Wittenberg - Berlin
Le temps est correct, le vent favorable, pas beaucoup de raisons de m'arrêter. Je devrais pouvoir avaler encore une centaine de kilomètres aujourd'hui et arriver à Berlin. Certes la ville et le château de Potsdam méritent vraiment une visite, mais j'aurai l'occasion d'y revenir. Alors tout droit, à travers les forêts de pins et les pistes cyclables.
Le parcours est long, monotone, et les pavés de ces derniers jours m'ont bien amoché l'arrière train. Mais voilà, j'y suis arrivé, et bien arrivé !
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Des kilomètres de pistes forestières rectilignes |
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Potsdam, j'y reviendrai, c'est à côté |
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Bien arrivé, avec quelques kilos en moins ! |
Voyager à vélo en Allemagne, les plus
- La qualité du réseau cyclable, en zone rurale comme en zone urbaine. Des panneaux directionnels, des pistes cyclables en pleine campagne, des petites routes uniquement dédiées au vélo et transport locaux. Le top.
- Le respect du vélo, la sécurité, mais... (voir les moins)
- La qualité des hébergements, notamment les auberges de jeunesse, très propres et bien tenus.
- Le petit déjeuner, parfait pour le cycliste (on peut éviter la charcuterie industrielle)
- La beauté des villes et villages
- Le cheminement le long des rivières
- La propreté en général
Les moins
- Les paysages du centre du pays
- Le mode de vie allemand, pas toujours compatible avec l'esprit latin. On apprécie ou pas, c'est selon.
- Les magasins qui ferment très tôt
- La météo capricieuse. Eviter le plein été chaud et lourd.
- Les conducteurs allemands qui roulent vraiment trop vite. Eviter les routes hors itinéraire vélo.
En conclusion
Pour un premier long voyage tout vélo, je recommande vraiment. C'est un moyen unique de découvrir le pays et ses charmes ignorés.