Cachemire - Ladakh 2016


Deux projets majeurs pour ce voyage : l'ascension d'un 6000 m, et le plus haut col du monde à VTT ! Ce genre de défi, c'est plutôt réservé aux jeunes, mais nous, retraités sexagénaires plutôt physiquement en forme, nous nous sentons la capacité de le faire, sans passer par une agence de voyage, uniquement par nos propres moyens. Christian est plutôt vélo, moi plutôt montagne, mais comme nous sommes polyvalents et bien entraînés pour ces deux activités, c'est décidé, on y va !

Après recherches, ce sera le Stok Kangri, 6154m, pour la montagne, et le Kardhung La, 5600m, pour le VTT, revendiqué comme le plus haut col carrossable du monde. Ces deux objectifs ont l'avantage d'être facilement accessibles depuis Leh, la capitale du Ladakh. Et puis il y a aussi la célèbre route impossible Manali - Leh et ses cols mythiques, dont le fameux Keylong pass, les paysages du Ladakh, sa population, ses temples et mosquées, et bien sûr la situation politique de la région, souvent tendue et bouillonnante. Serons-nous à la hauteur de notre projet ?

Samedi 26 août 2016

Bordeaux - Delhi

Pour ce qui est d'une bonne nuit réparatrice, ben faudra attendre un peu, vu que l'avion a atterri à minuit et que nous avons passé la douane. Du coup, impossible d'aller dans le salon de repos qui soit-disant était accessible avant la douane. Ce sera les sièges métalliques du hall. Pas terrible quand même.

Dimanche 27 août

Delhi - Manali

Le bus pour Manali part en fin de journée. Nous avons du temps pour visiter un peu la ville, ses misères, sa chaleur étouffante et sa pollution. Une expérience à vivre, certes, mais qu'on n'a pas forcément envie de renouveler. Je vous épargne les transports folkloriques, les visites de sites, la moiteur et autres aventures, rien qu'en une journée passée dans la capitale indienne. L'ambiance mégalopole du tiers-monde, tous les voyageurs connaissent. Pour la visite commentée, voir les nombreux guides...




En route pour Manali
Le bus n'est pas grand luxe, mais on fera avec. Juste que ça sent la deuxième nuit blanche, car une fois arrivé au pied des montagnes, après des heures interminables à contempler les faubourgs miséreux et les bouchons, on enchaîne nids de poules et autres obstacles qui vous harcèlent le bas du dos et vous permettent de rester éveillé pour ne même pas voir le paysage et les villages plongés dans le noir.



Dimanche 28 août

Manali - Old Manali

C'est complètement broyés et en grand manque de sommeil que le bus nous dépose enfin au petit matin à Manali, ambiance brumeuse et froide. Les hébergements ne manquent pas. Ouf ! Enfin un peu de repos.

Les agences fleurissent en centre ville, pourtant on a un peu de mal à trouver un taxi partagé pour Leh. Finalement, on dégotte un départ pour mardi à 5h00 du matin. C'est bon. L'après-midi, courte mise en jambe pour une promenade vers Old Manali, perchée à quelques kilomètres du bourg. 







Lundi 29 août

Manali - Ghosol - Vashit

Continuons la mise en jambe avec une randonnée dans la vallée de la Beas. Pas besoin de carte, il suffit de partir d'un côté de la rivière et de revenir de l'autre. Manali n'est qu'à 1800 m d'altitude, ça ne t'accommode pas de l'altitude, mais c'est un bon moyen de découvrir la vie des villages alentour.






La route qui nous attend demain. Deux jours pour 474km

Mardi 30 août 2016

Manali - Jispa

Comme convenu, dès 5h du matin nous nous postons à la sortie de la ville. C'est le défilé des taxis collectifs qui font la route ce matin. Ils passent devant nous pour monter prendre des clients à Old Manali, puis repassent ensuite en direction de Leh. Mais toujours rien pour nous ! Personne ne s'arrête. Aïe aïe !... Finalement, en voilà un, c'est le bon ?

Ne pas se décourager
- Hello vous êtes notre taxi ?
- Non, mais c'est pour vous dire que la route va fermer à 6h, il y a un convoi militaire.
Ceux-là sont prioritaires, et ils n'en ont rien à f... si tu es à la bourre. L'angoisse monte, bien que le chauffeur nous affirme :
- Votre taxi est derrière moi, il va arriver. Faisons-lui confiance... dans 10 mn, il sera 6 heures.
Mais l'attente dure, dure... Enfin, c'est au moment où on s'apprête à abandonner la partie que notre minibus déboule, avec près de deux heures de retard.
- Ne vous inquiétez pas, on va passer quand même.

 Ouf, c'est enfin parti pour ce qui va être un des plus grands moments de tous mes voyages !

Route de l'impossible
Le paysage verdoyant de la région de Manali affiche la couleur : ici, il pleut beaucoup, la mousson vient butter contre les montagnes. Plus tu grimpes, plus ça dégringole, et plus les conditions de circulation se dégradent. Et là, quand c'est dégradé...

L'équipage est composé de trois jeunes anglais routards pas bien réveillés, d'un américain un peu réservé qui revient des pays en "stan" -c'est lui qui va me donner envie d'y aller-, et d'un jeune anglais plus classe que les autres qui voyage en solo.


Les as de la route
Notre chauffeur maîtrise le parcours et le volant. Pendant ces deux jours, nous allons apprécier ses compétences à leur juste valeur ! Parce que ce trajet, particulièrement le premier col, est réservé à des pros, mais vraiment des pros de la route, plutôt bien rémunéré pour le nôtre, mais pas regardant sur la durée. Ici, les normes syndicales de conduite, ça n'existe pas.


Un b...l pas si désorganisé que ça !
La route, goudronnée au départ, finit rapidement par ne plus supporter l'altitude, le froid et l'humidité. Elle se dégrade vite. Et là, elle doit encaisser des convois de camions, bus, taxis collectifs et autres 4X4 qui se croisent ou tentent de se doubler. C'est là, dans ce qui est en apparence un vaste  b... routier, qu'on découvre la tacite entente qui règne entre chauffeurs, surtout pour les dépassements. En premier, les 4X4, qui ont priorité sur les taxis collectifs comme nous, qui eux-mêmes ont priorité sur les minibus, puis les bus, et enfin, en bout de chaîne, les camions. Et personne ne râle, une forme de solidarité et le meilleur moyen pour que ça passe le plus efficacement possible.


Rothang pass

Une journée pour un seul col
Sûr, la montée est longue, elle dure, elle dure. Et pourtant, pas le temps de s'ennuyer, même pendant les attentes, juste parce que ça coince devant toi, mais tu sais pas où ni pour combien de temps. Et du temps, il nous en a fallu, on est parvenu au col en milieu d'après-midi.

Le Rohtang pass ne culmine qu'à 4000m, ça fait quand même 2200m de dénivelé, et c'est de loin le plus dur à franchir pour tout le monde. C'est aussi une barrière pour la mousson. Au-delà, après une descente encore humide mais bien plus courte que la montée, nous entrons en zone plus sèche et ensoleillée.

Au pied de la descente, on aperçoit l'entrée du tunnel qui bientôt permettra d'éviter le col avec joie pour les utilisateurs réguliers. Pour les autres, les voyageurs en quête de sensations, il faudra aller ailleurs.

Jispa, la pause est bien méritée. Les jeunes anglais réussissent à dénicher des litres de bière dans l'unique épicerie du hameau. La soirée se prolonge pour eux, j'ai quelques craintes pour la suite...
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PS : à l'heure où j'écris ces lignes (confinement de mars 2020) le tunnel n'est toujours pas ouvert. Normalement, c'est pour cet été, mais avec la pandémie...


Check point

Fin de la descente
Jispa, hébergement sous tente

Mercredi 31 août

Jispa - Leh

Lever comme prévu à 6h pour un départ matinal à 7h, la route est encore longue jusqu'à Leh, même si les grosses difficultés sont derrière nous.

Mes craintes étaient bien fondées
Chez les anglais, dans la tente d'à côté, ça pionce à fond. Après le petit déjeuner, nos trois loupiots bien raffinés (deux gars et une fille) ne sont toujours pas levés. Faut que j'aille les claironner dans leur tente pour qu'enfin ils daignent ouvrir l'oeil et se bouger le cul. Bien sûr, ils leur faut du temps pour émerger, prendre leur petit déjeuner, se préparer, ce qui met ma patience à rude épreuve.
- Ca fait un moment qu'on vous attend ! Le chauffeur aimerait bien partir lui aussi. Vous n'avez aucun respect, aucune éducation !

Au moins ça défoule, même si l'engueulade à l'air de leur glisser dessus comme une anguille dans la main. Soit ils sont idiots, soit ils sont habitués. Les deux sans doute. Je me demande pourquoi ils voyagent, ce qu'ils voient et comprennent de ce qui les entoure. Partir à l'autre bout du monde pour picoler comme chez eux, quel programme.



Le paysage fait oublier le reste
Bon, on finit quand même par partir. La journée est ensoleillée, les montagnes magnifiques, les cols légèrement enneigés et de plus en plus élevés, la route, une large piste en fait, soudainement déserte et roulante. Là on se régale. Du moins, ceux qui ne roupillent pas au fond...

La dernière descente sur Leh est goudronnée de neuf. Arrivée en ville en fin d'après-midi. Notre chauffeur est épuisé, il a bien mérité un bon pourboire. On est monté progressivement jusqu'à 5328 m. Juste un léger mal de crâne dans le dernier col, sans médicament, c'est de bonne augure pour la suite.

Les guesthouses ne manquent pas à Leh. La nôtre est calme et le patron à l'air très cool. En plus, on est dans une période creuse, entre le départ des vacanciers d'été et l'arrivée des retraités de septembre. Un bon plan.




Moment détente, à l'écart de mes "bons amis" anglais

Le point le plus haut, juste un léger mal de crâne
Longue descente goudronnée jusqu'à Leh

Jeudi 1° septembre

Leh

Monastères, palais, mosquées, temples... carrefour de civilisations, mélange de peuples, de cultures et de religions, conflits frontaliers... bref, un terrain à priori explosif. Mais la capitale du Ladakh vit relativement en paix, l'omniprésence de l'armée indienne calme les esprits...

 

Le pays des chiens, comme souvent dans l'Himalaya
 

La mosquée, l'appel du muezzin résonne en centre ville
 


Le portable pour tromper l'ennui. Typiquement couleur locale
Le palais, haut perché
Vallée de l'Indus
La ville d'avant
Au fond à droite : le Stok Kangri, l'objectif majeur de ce voyage

La journée, ils dorment, la nuit, ils se chamaillent !...
 


Vendredi 2 septembre

Leh - Lamayuru

Suite de la préparation à l'ascension du Stok Kangri : un trek de quatre jours, Lamayuru - Sumda, parallèle à la vallée de l'Indus, avec passage de cols. La saison touristique des treks est terminée. On va randonner peinards et se loger comme on peut, chez l'habitant. Pour l'itinéraire, c'est plutôt facile, pas besoin de guide : une vallée, un col, un village étape, puis une vallée, un col... pas besoin de GPS non plus, d'ailleurs nous n'en avons pas. En haute saison, ce trek est couru, il y a même des campements en plus de l'hébergement chez l'habitant.

Le taxi remonte l'Indus et nous dépose à Lamayuru, sur la route de Srinagar. Un peu plus loin, cette route est fermée pour raisons de sécurité, ça se frictionne en ce moment du côté du Pakistan. Pas difficile de se faire héberger. Le tarif ne se négocie pas, il est le même pour tous dans toutes les vallées : 15$. Après-midi randonnée autour du village.


En remontant l'Indus
La tatie de notre chauffeur de taxi



Lamayuru, le vieux village




Pas vraiment bon signe pour demain on dirait


Samedi 3 septembre

Lamayuru - Wanla

Premier petit col, le Prinkiti la, à 3700 m et une longue descente en vallée. Une simple promenade sans difficulté pour cette première étape. Départ sous la pluie, mais ça ne dure pas, arrivée à Wanla sous un beau soleil. La première guesthouse est la bonne, elle est quasiment vide.

L'étape étant courte, nous avons le temps de poser nos affaires et découvrir une autre vallée à côté du village. Ici, les touristes, ils n'en voient pas beaucoup, ce n'est pas sur l'itinéraire du trek.


Départ un peu frisquet et humide

Printiki la, 3700 m
 




Descente vers Wanla
Wanla
 

 


Cueilleuse d'abricots. Rabougris et immangeables...
Dimanche 4 septembre

Wanla - Phonjila - Hinju

Christian ne se sent pas bien ce matin : pas d'appétit, jambes coupées, tonus en berne, ça annonce la tourista.
- Ben qu'est-ce que t'as avalé, on a pourtant mangé pareil hier soir ?
- J'ai bu au robinet...
- Au robinet ! Mais qu'est-ce qui t'as pris, t'es fou !
- Ben... en fait je sais pas...

Un moment d'inattention et hop, t'es piégé. Espérons qu'on va pouvoir continuer. L'étape est du genre plutôt facile, sur large piste et même du goudron en vallée. Juste une montée sur la fin. La piste s'arrête au village de Hinju, au-delà c'est du sentier pour changer de vallée.

Pour l'hébergement, les villages ont fixé une règle basée sur un système de rotation. Tout le monde accueille, et il n'y a pas de concurrence. Inutile de courir les "homestay" pour chercher le meilleur rapport qualité-prix.






 
Courage, bientôt l'arrivée


Soirée en famille

Lundi 5 septembre

Hinju - Sumda

Bonne nuit de récupération pour Christian, ce matin la forme est revenue. Parfait, car c'est l'étape la plus longue du trek avec passage de col à 4900m. A part ça, c'est de la randonnée montagnarde très facile.

Hébergement rustique et repas frugal à Sumda. J'ai cru qu'on traversait la grange mais non, c'était la maison. La meilleure pièce est réservée aux touristes. WC façon Himalaya, un grand trou pour les adultes, un petit trou pour les enfants. Tout est récupéré en-dessous et devient engrais.
- Et pour se laver ?
C'est là, le petit torrent qui coule derrière la maison.


Saison des treks terminée, personne sur l'itinéraire
Le souffle est un peu court dans la montée vers le col, mais ça va
Le col, impossible de retrouver son nom

Changement de vallée
Descente minérale vers Sumda
 

Les femmes, au boulot, c'est le patron qui s'occupe de nous
 
Mardi 6 septembre

Sumda - Ezas - Leh

Belle étape de descente, mais des inondations catastrophiques ont emporté une partie du chemin millénaire. Ravages du réchauffement climatique. Le hameau de Ezas donne sur la route goudronnée de la vallée du Zanskar. Maintenant, il faut trouver un moyen de rentrer à Leh, et ça ne circule pas beaucoup. Une seule chose à faire, se poster au bord de la route et attendre, on va bien trouver quelque chose.

C'est d'abord un couple de personnes âgées dans une toute petite voiture, mais ils vont dans l'autre sens.
- On revient dans un moment, on pourra vous ramener.
Puis un taxi appelé par deux trekkeurs avec leur guide, mais qui lui ont fait faux bond. On les a vu partir avec une autre voiture. Pas très content le gars, ça se comprend. Du coup on rentre avec lui pour une somme ridicule. Dommage pour les petits vieux.



Sur la ligne de départ




Univers minéral et coloré
 





Mercredi 7 septembre

Vallée de l'Indus

Le patron de notre hôtel nous a gardé une partie des bagages en échange d'un deuxième séjour chez lui. Un bon arrangement car l'accueil est sympa, on a même du Wifi (enfin, un peu et pas tout le temps).

 

Aujourd'hui, Christian, motard accompli, a loué une moto, une Royal Enfield, la marque indienne interdite en Europe pour cause de normes environnementales. Il en profite ce matin pour grimper le Kardhung La, le col que nous voulons faire à VTT :
- En moto c'est déjà long, et en plus il faut une autorisation pour passer. A VTT, ça va être long, très long, surtout sur la fin...!

Pour moi, le problème de cet après-midi, c'est plutôt la place du passager. Une demi-journée là-derrière, cramponné au pilote, à anticiper le franchissement des nids de poule, c'est suffisant. Mais c'est un bon plan pour visiter les alentours de Leh, notamment les beaux monastères de la vallée de l'Indus.










Le bon moment
La météo prévoit trois journées de grand beau temps. C'est le moment. Demain, départ pour le Stok Kangri. On aurait pu faire sans guide, mais par précaution, on va le faire avec un jeune guide népalais que nous a trouvé une agence. Lui est déjà monté deux fois au sommet.



Jeudi 8 septembre

Camp 2 du Stok Kangri

Normalement, l'ascension se fait en trois jours, quatre pour les moins entraînés qui peuvent faire étape au camp 1 à la montée. Bon nous on a la caisse, et on grimpe sans problème directement au camp 2. C'est une super randonnée sans difficulté. Le camp 2 est à 5000m, il y a de la place car la saison se termine. Repas sous grande tente collective et dodo dans une tente pour deux. Le camp fournit les duvets, stocks de l'armée indienne. Très efficaces, mais la nuit sera courte.

Des questions, forcément
Après d'âpres négociations avec notre guide, ce sera lever à deux heures (lui voulait décoller à minuit, nous à quatre heures). Bien qu'ayant des décennies de pratique montagnarde derrière moi, le maximum c'est des 4000. Pour Christian, c'est encore moins. La course en elle-même ne devrait pas poser de problème. On a pris piolet et crampons, mais il est possible qu'on n'en ait même pas besoin. L'interrogation, c'est l'altitude. Comment chacun va réagir ? Mais bon, si ça va pas, il suffira de faire demi tour, tout simplement.

Pour l'instant tout va bien, je n'ai besoin d'aucun médicament. A part l'essoufflement normal, je ne ressens rien. On reste zen.

C'est parti
 




Camp 1, on fait l'impasse et on continue. A droite, le Stok Kangri
Camp 2, 5000m

Ca ne se bouscule pas, on sera une vingtaine demain à tenter le sommet

Vendredi 9 septembre

Camp 2 - sommet - camp 1

Ce qui nous attend
- une marche d'approche facile en montée jusqu'au pied du glacier
- traversée latérale au pied du glacier sans difficulté, c'est du névé tout plat
- longue montée dans un pierrier jusqu'à un petit col au pied de la bosse sommitale à 6000m. Le plus difficile sans doute.
- ultime grimpée sur la bosse sommitale, large et un peu enneigée.
Rien d'effrayant.

Départ en fanfare
A deux heures pétantes, le guide nous réveille, une tasse de thé à la main. Juste le temps de l'avaler, et c'est parti, vu qu'on a dormi tout habillé. Comme à son habitude, Christian démarre à fond la caisse, et le guide y va aussi de son rythme. Même pas le temps de pisser, et encore moins pour le reste.  Pour moi, un départ à une telle heure, le ventre vide, c'est pas possible. Pour atteindre ma pleine puissance, il me faut du temps et de la réserve d'énergie. C'est loupé.
- Eh les mecs, si on continue comme ça, on va jamais arriver en haut. On se calme. On a 1150 m de dénivelé à se taper, faut en garder sous la semelle !

Montée à la frontale, la nuit est noire, pas le moindre morceau de lune. Notre guide nous est bien utile pour trouver le départ du chemin, pourtant bien visible de jour. On parvient ainsi plus calmement et sans dégâts au pied du glacier. Là aussi le guide est précieux car le bon passage n'est pas évident de nuit sur le névé. Après, c'est la montée du pierrier qui nous attend. Les petites lumières processionnaires de ceux qui sont partis avant nous nous indiquent la voie à suivre, mais surtout tout ce qu'il va falloir grimper maintenant : 600 m de dénivelé entre 5400 et 6000.

A 6000 m, c'est pas les Pyrénées !
En temps normal, dans nos Pyrénées, les 600 m, on se les avale en moins d'une heure. Mais là, c'est une autre paire de manche. Le manque d'oxygène ça change tout. Tu montes deux ou trois minutes et tout d'un coup, plus rien. Vidé. Obligé de t'arrêter, avec l'impression que tu ne vas jamais pouvoir repartir. Et puis non, une fois réoxygéné, ça repart, jusqu'au prochain arrêt. Et c'est comme ça pendant toute la montée du pierrier, avec cette sempiternelle rengaine qui te taraude :
- P... je vais jamais y arriver, b.. de m...! 

Et pourtant, malgré ça, on progresse plutôt bien. On en double même quelques uns à l'agonie, alors que j'ai l'impression de faire du sur place.

Enfin le soleil ! Faut dire qu'en plus, avec le ciel bien dégagé, ça caillait vraiment. Les  6000m se rapprochent, le sommet se profile. Pas de mal de crâne, pas de gêne pulmonaire. C'est bon, plus de doute, je vais y arriver. Du coup, ça me paraît plus facile maintenant et j'ai l'impression de finir la montée sur un nuage.


En haut du pierrier, le sommet se rapproche

Pas besoin des crampons, juste le piolet et un peu d'attention

Les derniers pas


Au sommet

Premier (et unique) 6000
6150 m exactement. Au fond, la chaîne du Karakoram et le K2
Congratulations au sommet. J'ai même droit à l'accolade de la part d'autres grimpeurs indiens. Je suis le plus vieux en haut ce jour là. La descente est une formalité, au point qu'on est de retour à midi au camp 2 ! Sauf notre pauvre guide qui souffre des pieds, ses chaussures sont usées et trop petites, pas les moyens d'en acheter d'autres. Je n'ose pas lui répondre quand il me demande le prix des miennes.

Regroupement au camp 2. Notre guide veut passer le reste de la journée ici et repartir demain. Toute la journée ici !
- C'est trop long, on va s'emm...
Nouvelles négociations et finalement :
- OK, trois heures de repos, et ensuite on descend passer la nuit au camp 1.

Pas nécessaire de s'encorder
On a monté tout ça dans le noir
Le glacier qu'on a contourné
Notre guide dans la descente

Pas vu à l'aller
Ca non plus
Marche d'approche, pas vu dans le noir
Notre sommet
Le camp 2, trois heures de pause, ça suffira
Camp 1

Nuit au camp 1, elle sera meilleure que la veille
Le repas du soir aussi

Samedi 10 septembre

Camp 1 - Leh

Retour sans histoire à Leh, notre hôtelier habituel nous attend. L'après-midi, nous ramenons le matériel à l'agence :
- Déjà de retour. Vous n'êtes pas allés au sommet ?









Dimanche 11 septembre

Leh

Repos, détente et quartier libre. RAS. On se met à la recherche de bons VTT pour la grimpette de demain. Les loueurs ne manquent pas, mais les loueurs de bons vélos, c'est plus rare. On en repère finalement un qui fera l'affaire. Forcément plus cher, mais c'est du Giant.
- C'est pour vous balader dans la vallée ?
- Non, on veut grimper le Kardhung La.
La tronche du mec...
Achat aussi du permis de grimper au col. Quelques agences le fournissent. 

Mais depuis ce matin, je me sens barbouillé...

Lundi 12 septembre

Kardhung La à VTT, tentative

Réveil difficile ce matin, pas la pêche, pas d'appétit, pas de tonus, pas de motivation, à mon tour de couver quelque chose. Je vais quand même essayer de grimper ce col, on verra bien... La montée fait plus de 30 kilomètres, rien que ça. Mais les pourcentages sont raisonnables dans l'Himalaya, il faut que les camions souffreteux et en manque d'oxygène puissent passer. C'est une compensation pour le cycliste, on est loin de nos pentes pyrénéennes. Pour les problèmes d'altitude, on est plutôt pas mal adapté.

C'est parti, mais j'ai de très gros doutes sur ma capacité à grimper les 2000 mètres de dénivelé, sait-on jamais. L'ascension commence dès le centre ville, elle ne s'arrêtera qu'au col.

Bien vite je perds du terrain. C'est pas ça, je le sens pas, j'ai les guibolles ramollos et Christian doit m'attendre tous les kilomètres. Faut que je me fasse une raison, j'y arriverai pas. Grosse déception, mais après une dizaine de kilomètres de montée, c'est l'abandon définitif. Dommage, un de mes grands projets qui s'évapore, j'aurais bien accroché ce col à mon palmarès. J'en resterai donc à ceux des Pyrénées. Bon c'est moins grave que si ça c'était produit au Stok Kangri.

Christian continue tout seul. Au retour, il me racontera qu'il en a bien bavé sur le final et que le dernier kilomètre, il l'a fait à pied. Mais il est arrivé en haut. Chapeau !


Kardhung La, 5359 m
Mardi 13 septembre

Vallée de l'Indus

Ce matin, réveil encore difficile. Pas d'appétit, toujours ce manque de tonus.  Mais je ne me sens pas vraiment lessivé, alors va pour un autre tour en moto, juste pour la demi-journée, ça suffira. Un peu éprouvant malgré tout. Vite, trouver des toilettes à chaque pause.








Mercredi 14 septembre

Leh - Delhi - Agra

Notre avion décolle très tôt. L'aéroport est chasse gardée des militaires, les liaisons civiles partent au petit matin. Ils ont tout pouvoir et peuvent même décider d'interrompre le trafic aussi longtemps qu'ils jugent nécessaire.

J'ai passé une nuit épouvantable. Le médicament que m'avait prescrit mon médecin n'a fait aucun effet. J'ai bien cru qu'au lieu d'aller à l'aéroport, il fallait m'emmener d'urgence à l'hôpital pour réhydratation et rapatriement. C'était plus que limite. Comment prendre l'avion dans ces conditions ?

Il reste un peu d'imodium à Christian. Vite j'avale le comprimé ce matin, en espérant que cela va me permettre de tenir jusqu'à Delhi. Notre taxi réservé la veille nous attend à 5 heures comme promis. En fait c'est un bon plan pour eux, les voyageurs qui quittent Leh laissent en général un bon pourboire. Le trafic civil est ouvert. Heureusement car hier, un commando suicide pakistanais a fait une dizaine de morts dans une base militaire pas loin d'ici. L'imodium fait effet, c'est déjà ça. Je passe un vol inquiet mais tranquille.

Direct de l'aéroport à la gare, on ne peut pas venir en Inde sans passer voir le Taj Mahal. Découverte des trains indiens, et encore celui-là, il est plutôt classe. De Delhi à Agra, les bords de la voie ferrée sont une dépôt d'ordures. Hébergement grand luxe et petit prix, un îlot de salubrité au milieu d'un océan de pauvreté et de saleté. L'imodium fait son effet, reste juste à retrouver le tonus. C'est pour quand ?



 
Notre hébergeuse marie son fils. Les invités virevoltent dans la guesthouse en habits colorés. Rencontre avec le jeune couple :
- Je vous souhaite beaucoup de bonheur et de prospérité, et aussi beaucoup d'enfants
- Merci, mais pour les enfants, nous nous arrêterons à deux.
Milieu social oblige.

Enfin une vraie nuit de vrai sommeil. Au matin, les signes de la maladie se sont évaporés. Mais qu'est-ce que j'ai morflé !


Jeudi 15 septembre

Agra

N'ayant pas vocation au carnet guide touristique, je vous épargne les descriptions.


L'indispensable bouteille d'eau, une catastrophe écologique de plus
Il n'y a pas que le Taj Mahal à Agra
Touristes indiens qui découvrent des yeux bleus pour la première fois


Vendredi 16 septembre

Fatephur Sikri

Là aussi, juste quelques photos pour illustrer la visite de ce site pas loin d'Agra, un peu moins fréquenté que le Taj Mahal.

La ligne régulière pour Fatephur
 





Samedi 17 septembre

Agra - Delhi

Quai de la gare d'Agra. Il y a foule, forcément. Pour notre train, il faut emprunter le passage souterrain. Nous attendons patiemment son arrivée, en retard forcément. A côté de nous, un jeune couple indien de la classe "supérieure", beaux, bien sapés, et deux enfants. Soudain,  je remarque de l'autre côté un couple plutôt âgé qui vient nous rejoindre en traversant la voie. Lui, petit et rondouillard. Elle, carrément en zone rouge, mal nourrie à la friture indienne.
- Regarde, je sens qu'on va se marrer !

En effet, le quai fait plus d'un mètre de hauteur. Pas trop difficile de descendre, il suffit de se laisser glisser. La manoeuvre n'est pas académique, surtout pour la femme engoncée dans son sari, mais ils parviennent en bas et traversent la voie en vitesse, le train ne va pas tarder à arriver.

Laurel et Hardi 
Mais pour remonter sur notre quai, c'est une autre affaire ! Je vous laisse imaginer la scène. Le mari qui tente d'abord de la pousser par les fesses,  mais bien sûr ne parvient pas à la faire décoller d'un pouce. Ensuite, plus souple, il grimpe sur le quai et tente de la tirer, mais là aussi échec de toutes les manoeuvres. La grand-mère ne se soulève pas. L'angoisse monte, la situation est désespérée, le train va arriver !



La scène laisse les spectateurs plutôt indifférents, mais moi, je suis écroulé de rire. Je laisse se prolonger le spectacle en me disant qu'on ira les aider avant que le train ne les broie. Finalement un bon samaritain se précipite et à deux, ils parviennent à extraire la femme, mais ils ont dû tirer fort !

Le plus drôle dans cette histoire, c'est que le jeune couple a fini aussi par se marrer, mais pas à cause de la scène. Non, ce qui les amusait, c'était de me voir me tordre de rire. Faut dire que j'adore les burlesques américains...

Retour à Delhi, avec tous les arrêts en pleine voie, notre train n'aura que quelques heures de retard. Il nous reste une journée pour parfaire le tour de la capitale, notamment la découverte de Old Delhi. Ahurissant, mais ça, c'est pour les guides.