La traversée de l'état de New York par l'Empire State Trail
Juin 2022
L'Empire State Trail est un itinéraire de 900 km spécialement tracé pour le vélo, à 75% sur pistes cyclables en site propre. D'abord le long du canal Erié, jusqu'à Albany, ensuite, dans la vallée de l'Hudson, jusqu'à la pointe de Manhattan.
Un train spécial avec emplacements pour vélos suit quasiment le parcours. Cela permet de griller des étapes et aussi de revenir au point de départ sans avoir à prendre l'avion. Attention, les espaces vélo doivent être réservés et peuvent être complets en période de pointe. En juin, pas de problème.
C'est cet aspect qui m'a attiré, car mon précédent voyage m'avait un peu refroidi quant au vélo aux USA. Mais là, 75% sur pistes, et il y a cette arrivée mythique à NYC avec le vélo. Je n'ai pas pu résister.
L'itinéraire a été developpé en seulement 3 ans. S'il est fréquenté par les cyclistes sur certains tronçons autour des villes, ceux qui le parcourent en entier sont plus rares. Il faut dire que les paysages ne sont pas vraiment spectaculaires et certaines sections, notamment le long du canal Erié, sont assez fastidieuses, mais très faciles car sans relief.
Le trail démarre de Buffalo, mais comme le bus de Toronto est direct pour les chutes du Niagara, ce sera mon point de départ.
Niagara falls - Medina
Vite rejoindre le trail !
Passage de la frontière sans problème au pont de Niagara. En 10 minutes j'ai mon coup de tampon sur le passeport. Il n'en est pas de même pour la famille un peu basanée qui poireaute dans la salle d'attente.
Question rituelle du flic de service :
- Where are you going ?
- New York City..., with the bicycle.
- With the bicycle... !!!???
Ici, le vélo a bien du mal à entrer dans les moeurs.
Premiers coups de pédale en territoire US
Pour rejoindre le trail, je dois rouler une trentaine de bornes sur route. J'avais déjà fait l'expérience (voir Amérique du Nord), elle ne m'avait pas vraiment convaincu. Ca se confirme. Ici, c'est la bagnole, rien que la bagnole, tout pour la bagnole. Heureusement les bas-côtés sont larges et les conducteurs prudents et respecteux. Respectueux sauf...
... quelques abrutis qui décrètent que le cycliste avec ses sacoches est un délinquant routier qui s'est fait sucrer son permis. D'où quelques coups de klaxon qui n'ont rien d'amical.
Les chutes côté américain. Moins spectaculaires que côté canadien, et... payantes
Je rejoins le trail à Lockport, enfin !
Piste souvent gravillonneuse, coincée entre la forêt et le canal. Paysage assez banal, mais égayé quand on traverse les petites agglomérations en bordure de canal. Ce sera comme ça jusqu'à Albany.
Première pause pour grignoter. Pas facile de trouver où manger sainement à un prix raisonnable. Pas le choix, ce sera Mac Do (ma déontologie en prend un coup), mais au moins j'aurai une salade. Sauf que... pas de photo de salade au menu. Je demande si par hasard... mais non, ça n'existe pas ici. Je me rabats sur des nuggets-frites. Ma déontologie en prend un autre coup.
Hébergement Airbnb dans une maison à Medina, un peu à l'écart de la ville, quartier disons... moyen/pauvre. Tout comme mon hébergeuse et son fils, et comme la maison. Pour me faire plaisir, ils m'ont offert le dîner. Devinez quoi... Eh oui, des nuggets et des frites !
Médina - Rochester
La journée galère
Il en fallait une (journée de m...), et bien ce fut celle-ci. Pluie continuelle jusqu'à Rochester, avec bien sûr le vent de face. Coincé pendant tout le parcours entre les bords rectilignes, déserts et sans charme du canal, et la forêt dense et sauvage. En arrière plan, mais sonore uniquement, le grondement permanent de l'autoroute et les lugubres coups de klaxon des interminables trains de marchandise. Je n'ai même pas fait de photo, de peur de mouiller le prècieux smartphone.
Heureusement, une éclaircie bienvenue en fin de parcours me permet d'arriver sec chez mon hébergeur, premier Warmshower, le réseau d'entraide des cyclistes au long cours, en banlieue ouest de Rochester. Bob est un agent immobilier qui doit travailler dans le haut de gamme, madame est prof. Ca se voit à sa grande maison, typiquement américaine, "home sweet home". Le fils, grand ado en rupture de sociabilité, se terre dans sa chambre dès mon arrivée. Je ne le reverrai pas et les parents ne me diront rien de lui. Repas du soir, conversation autour du vélo, bien sûr, accompagnée d'une seule bière pour moi, mais de pas mal de cannettes pour mon hôte, malgré son cancer et son embonpoint.
Même réalisé, le rêve américain, ne fait pas tout...
Rochester - Lyons
L'Amérique qu'on aime
Retour du soleil. Ce n'est pas volé après le déluge d'hier. Du coup, les bords de canal me paraissent bien plus agréables.
Nouvel hébergement WS près de Lyons, dans la ferme bio d'Anne et Carl. J'ai droit à la visite complète de la ferme, une sorte de petit paradis où mes hôtes dégustent enfin la vie qu'ils ont rêvée. Auparavant, elle était ingénieure nucléaire et lui officier sous marinier dans la Navy.
Arrivée de Carl, immense gaillard filiforme, en salopette bleue et large chapeau de paille, tout droit sorti d'un film hollywoodien.
Dîner concocté par Anne uniquement avec les produits de la ferme préparés par un véritable cordon bleu. Je connais même le nom de la (pauvre) vache dont j'ai dégusté un morceau.
La ferme de Anne et Carl.
Une autre vision de l'Amérique et un mes meilleurs souvenirs d'hébergement WS.
Lyons - Syracuse
Journée sous la grisaille, mais sans pluie. Chemin toujours facile avec sections sur routes peu fréquentées.
Mon hébergeur WS est un paisible retraité qui vit dans une petite maison d'un quartier modeste et très "coloré", en haut de la ville. Je suis accueilli par les aboiements de ses trois toutous, heureusement plus amicaux qu'agressifs, mais bien envahissants quand même. En tout cas pour moi, qui n'ai pas vraiment d'affinités avec la gente canine. Mais ça reste un accueil à l'américaine, simple et nature.
Syracuse - Utica
Les deux faces de l'Amérique
Le vélo a cela d'unique qu'il vous fait passer à l'écart des grands axes. Et là, forcément, tu touches d'un peu plus près à la réalité du pays.
Côté pile, ces banlieues résidentielles riches, où s'y exprime tout "l'american way of life", avec leurs belles demeures qui rivalisent de confort et leurs rues bien nettoyées, bien lisses, tracées au cordeau.
Côté face, ces quartiers périphériques des oubliés de la croissance, que je préfère avoir à traverser à vélo plutôt qu'à pied. Chez nous, la misère sociale est souvent cachée dans l'habitat vertical. Ici, elle s'étale à l'horizontale, sur le pas de la porte, dans la rue (sale et mal entretenue). Grâce au vélo, j'en mesure aussi l'étendue, que je ne soupçonnais pas. Le tiers monde à ta porte. C'en est même à se demander comment ce pays fait pour être la première puissance économique du monde.
Utica
Pas de WS disponible dans la ville. Il n'y en aura plus désormais, je devrai me rabattre sur les hôtels et les Airbnb. Quand j'y arrive, vers 17h, la ville y est déjà désertée de ses habitants, partis cocooner dans leur banlieue résidentielle. Impossible de trouver un bar pour une petite bière en terrasse. Rien à voir, rien à faire. Totalement déprimant. La vie ne reprendra que le matin, à partir de 8h, pour le breakfast.
Utica - Amsterdam
La punition américaine
Paysage plutôt banal, ça laisse le temps de méditer. C'est ainsi qu'après mures réflexions avec moi-même, j'en conclus que l'Amérique est punie par où elle pèche, à savoir :
- La pollution bien sûr, surtout urbaine.
- Les inégalités sociales, avec toutes leurs conséquences bien connues
- et aussi le bruit ! Tronçonneuses, élageuses, tondeuses, motos, bateaux, trains... Quand ce n'est pas le bruit de fond des routes, où que tu sois, il y a toujours un truc à moteur pour te contrarier.
Amsterdam
Rien à voir avec la nôtre, l'européenne. Je me rabats sur un môtel, bien placé au sommet d'un raidar ! Je n'y redescendrai pas à la recherche d'une petite mousse en terrasse.
Amsterdam - Albany
L'Hudson, enfin !
Pas mécontent d'arriver au terme de la première moitié de mon parcours. La suite, plein sud, dans la vallée de l'Hudson, devrait être plus intéressante. Du moins je l'espère...
Encore un motel pour la nuit. Les moins chers sont éloignés du centre, et sur une hauteur, forcément !
Albany - Poughkeepsie
C'est bien mieux qu'avant
Bon là, j'ai un peu triché. J'ai préféré finir en train pour la section entre Hudson et Poughkeepsie, bien trop routière à mon goût. Chat échaudé...
Poughkeepsie
Il faut du temps pour arriver à le prononcer. La ville s'ennorgueillit de posséder le plus long pont piétonnier (et cyclable) au monde. Un peu plus de 2km. Comme j'arrive en avance gràce au train, j'ai le temps d'aller le parcourir. Une occasion à ne pas manquer.
Le pont de Poughkeepsie, autrefois automobile
Hébergement Airbnb dans un quartier middle class. La maison est assez banale, elle vaut pourtant une fortune au dire de son propriétaire, un indien (d'Inde) d'origine, qui semble avoir bien réussi avec son taxi.
En fin de journée, le centre ville est déjà bien déserté. N'y circule plus à pied qu'une faune plus ou moins louche. Je finis quand même par trouver un kebbab pour le ravitaillement et je retourne à l'abri chez l'indien. La chambre est plutôt simple, confortable mais très banale. C'est le prix qui l'est moins. Aussi cher qu'un motel. Du coup je me dis que dorénavant, pour le même prix, mieux vaudra choisir l'hôtel. C'est bien plus spacieux et confortable.
Je lui raconte ma vision un peu pessimiste de la ville. Pour lui, ça c'est beaucoup amélioré par rapport à il y a une vingtaine d'année. Je n'ose pas imaginer ce que ça pouvait être.
Poughkeepsie - Brewster
De plus en plus près de New York
Le temps agréable rend la progression plus aisée. Mais le paysage reste banal. Beaucoup de forêt.
Hébergement Airbnb. La vaste demeure est plantée loin de tout, au milieu de la forêt, dans une superbe clairière fleurie et rasée de près, et bien sûr tout en haut d'une colline ! Toute propre et neuve, elle fait la fierté de son propriétaire, lui aussi d'origine indienne. Un symbole de la réussite à l'américaine. Le rapport qualité-prix y est bien meilleur qu'hier. Mais le fiston a l'air de s'y ennuyer et il me fait gentiment la conversation pendant un bon moment.
Brewster - Ardsley
Etape volontairement courte
Je choisis d'arriver rapidement à New York demain pour déguster tranquillement cette dernière étape mythique. Toujours beaucoup de forêt.
Hébergement dans un motel. Simple mais correct. Pour le prix d'un Airbnb, j'ai un grand lit, une salle de bain, une télé, le wifi, un frigo, un micro ondes et beaucoup d'espace. Gros orage et vilain coup de foudre pile dans la cour du motel. Il était temps d'arriver.
Ardsley - New York
Une arrivée mythique qui ne m'a pas déçu
L'étape dont je rèvais depuis longtemps. La voilà enfin. Temps gris, un peu incertain, mais pas de pluie. New York est bel et bien là. La piste est en site propre, à l'ombre des arbres, mais envahie par le bruit de la circulation automobile, presque invisible et pourtant dense et toute proche.
Passage par le Bronx, le nord de la ville, à la réputation sulfureuse. Mais je traverse tout ça sans problème. Le GPS est bien utile.
A partir du pont Washington, le parcours longe la rive gauche de l'Hudson jusqu'à la pointe de Manhattan par une piste, toujours en site propre, proche mais bien protégée de la circulation automobile (mais toujours pas du bruit). A gauche, l'enchaînement des audacieux gratte ciel qui enserrent Central Parc. A droite, l'Hudson avec, de l'autre côté, la rive New Jersey.
Pointe sud de Manhattan, fin (ou début), de l'Empire State Trail
Hébergement dans une auberge de jeunesse de Brooklin, à quelques kilomètres du pont du même nom. Je vais y rester plusieurs jours pour profiter de la grosse pomme. Et tout à vélo, bien sûr.
Au programme : du vélo, encore du vélo
Ayant déjà visité la ville quelques années auparavant, je ferai l'impasse sur tous les musées et autres sites touristique. Ce sera donc la ville tout à vélo.
Arpenter au hasard les rues et les avenues est de loin le meilleur moyen d'appréhender la mégalopole dans toute sa dimension. New york est bien quadrillée de pistes cyclables, plus ou moins en bon état, plus ou moins en site propre, c'est selon. Même si les conducteurs roulent raisonnablement, la vigilance reste de mise.
Griller les feux rouges, une nécessité !
Chaque carrefour possède son feu tricolore. Ca en fait des arrêts obligatoires ! Les premiers kilomètres, je m'arrête toujours au rouge, attendant bien sagement le passage au vert. Mais tous les vélos n'en ont cure et, si le carrefour est dégagé, grillent allègrement les feux. J'ai vite compris pourquoi : c'est que si tu respectes les feux, tu avances moins vite que les bagnoles !
Du
coup, le vélo, ça n'est pas rentable du point de vue du gain de temps.
Donc je fais rapidement comme eux, et même devant les flics qui n'en ont
cure de l'infraction.
A vélo dans NYC : une sacrée expérience
Le stationnement anarchique complique aussi la vie des deux roues. La piste cyclable est le seul moyen de poser sa bagnole ou sa camionnette. Et même si c'est pour un court instant, cela complique la trajectoire du pauvre cycliste qui doit louvoyer tous les cent mètres. L'envie de balancer un coup de pied me gagne souvent... mais ça finit par faire partie du jeu. Je ne reconnais pas le civisme américain ici. Mais NYC, ce n'est pas non plus l'Amérique.
Le pire, ça reste quand même les livreurs à vélo. Eux te dépassent à tout berzingue et franchissent les carrefours sans s'arrêter, au vert comme au rouge, et même s'il y a de la circulation. Et comme en plus ils ont des électriques...!
En résumé, la circulation à vélo dans NYC est une sacrée expérience que je qualifierais de "rock'n roll". Malgré ça, je n'ai pas eu cette désagréable sensation d'insécurité que j'ai pu éprouver par exemple à Paris.
Je me réfugie un long moment dans Central Park.
une pour les bouclards (les rapides), une pour les promeneurs. Ne pas se tromper de couloir.
Voir la ville depuis le New Jersey en remontant le fleuve
Depuis la pointe de Manhattan, un ferry gratuit (eh oui !) vous amène sur l'autre rive, en passant devant Ellis island et la Statue de la Liberté. Cela permet de remonter la rive droite de l'Hudson par un bel itinéraire cyclable. Compter une bonne journée pour cette boucle car la piste suit les contours de la côte. Dommage que le temps ait été un peu gris.
Dimanche 19 juin
Un dimanche à la plage
Boucle cyclable autour de Jamaïca bay et les plages les plus proches au sud de la ville, sur Long Island. Temps splendide mais fort vent de face pour le retour. Ce fut dur ! Compter 100 km.
Lundi 20 juin
NYC à vélo (suite)
Une journée ne suffit pas si on veut tout parcourir
Deuxième journée à arpenter rues et avenues dans tous les sens, et découvrir d'autres quartiers. Et en plus il fait beau. Au total, j'aurai fait près de 150 kilomètres dans Manhattan et Brooklyn.
Mardi 21 juin
NYC - Niagara falls, le retour
Mon cadeau new-yorkais
Départ le matin depuis Penn station. Mon billet est pris depuis longtemps, pas de problème. Le train ne fait pas le plein et mon vélo a sa place bien réservée.
Arrivée à l'heure en fin d'après-midi à Niagara falls, mais le voyage dure plus de 8 heures. Et bien sûr avec la climatisation à fond, alors qu'il ne fait même pas chaud. Passage sans problème de la frontière canadienne, mais je me sens un peu fébrile. P... de clim !
Bus pour Burlington où le fiston vient me chercher. Je me sens toujours dans le pâté.
- Tu vas faire un test, on ne sait jamais.
Et boum, positif covid ! Mon cadeau new-yorkais.